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Un Palais pour le pas-e-bez

Le pas-e-bez (ou pouce-pied) est un crustacé cirripède marin à pédoncule charnu et court, comestible, qui vit fixé aux rochers battus par les vagues. 25% des cotes de Belle-Ile en mer en sont recouvertes. Une pêche intensive, liée à une croissance lente en font une ressource peu abondante et fragile à l’exploitation.

Son nom anglo-saxon est le barnacle.

C’est donc le récit d’un abandon annoncé au trail de Belle-Ile ce samedi 20 septembre 2014.

Trois semaines de travail en majoritairement en Californie ont totalement anéanti le programme d’entrainement pour ce trail, un 85 km empruntant la majorité du sentier côtier autour de Belle-ile, avec 2000 mètres de dénivelle annoncé.

J’avais participé à la première édition en 2010, avec un abandon vers le 25ème km, à Poldon, totalement exténué. Cette fois-ci, la décision a été d’y aller quand même, et d’aller le plus loin possible.

Le dernier tronçon Sauzon – Le Palais me paraissait insurmontable, et finir n’était pas un objectif réaliste au vu de mon manque de préparation. Je partais donc sur l’acquis du tour du golfe du Morbihan.

Après une traversée calme en bateau entre Quiberon, et le Palais, retrait des dossards le vendredi soir, puis repas d’avant-course. Je suis avec Guy, l’organisateur des 1000 Marches de Poitiers, et nous retrouverons Jacky, le troisième Poitevin engagé sur cette course sur la ligne de départ le lendemain matin.

Buffet de pâtes et de charcuterie belle ambiance parmi les privilégiés (es) ; en effet seulement 360 traileurs et traileuses ont été retenus sur cette course, plus quelques dossards pour assurer un beau plateau sportif, c’est-à-dire Vivien Laporte (qui finira d’ailleurs 1er), Sébastien Chaigneau (abandon), Christophe Malardé (parrain de l’épreuve et 10ème), David Pasquio, Virginie Nouri …

Préparation du sac dans la chambre d’hôtel, avec un allégement certain : juste une paire de chaussettes de rechange si trop de sable dans les chaussures, gants de cycliste pour se protéger la paume des mains en cas de chute, un buff en cas de vent à la pointe des Poulains, pas mal de nourriture (noix de cajou, dattes, poudre antioxidante) et surtout un maximum d’eau.

Bien que des ravitaillements en liquide soient prévus tous les 18 à 20 km, une forte chaleur est annoncée, et le décès d’un coureur lors du semi-marathon d’Auray le week-end précédent fait froid dans le dos.

Départ à 07h00 à la frontale, après un petit-déj à 05h30 au bistrot Le Poisson Rouge, et un briefing à 06h00 pour rappeler les règles de sécurité, la protection du littoral et le respect des zones protégés, l’entraide entre coureurs, et toutes les recommandations habituelles.

Entrée dans le sas de départ en vérifiant la puce. Ambiance décontractée mais concentrée. Le moral est bon, et nous retrouvons quelques copains de la veille. Tout le monde le sait, cette épreuve sera dure, peut-être un peu plus que la précédente édition, à cause de la chaleur, mais aussi en raison d’un changement de tracé qui rajoute quelques bonnes « patates » en montées.

Et c’est parti à une vitesse raisonnable, le temps de s’échauffer. Guy reste à mes cotés, et Jacky a pris déjà un peu d’avance. Guy le rattrapera à Bangor, presque à mi-parcours et ils finiront proches l’un de l’autre. Il fait déjà chaud, je ne suis pas encore à 20 minutes de course, et je commence déjà à m’asperger la nuque, ça promet !!!

Nous arrivons rapidement sur le sentier côtier, et là commence une succession de montées et de descentes, courtes, un peu raide.  Appui sur les mains en descente, et paumes de mains sur les cuisses dans les montées. Les bâtons sont interdits afin de protéger le fragile écosystème du  littoral. 

Odeurs de bord de mer. Déjà 10 km, et la plage des Grands Sables est somptueuse, au lever du jour. Et j’y éteindrai définitivement la frontale. Les criques et plages se succèdent. Paysages magnifiques. Guy s’arrête de temps en temps pour prendre quelques photos.

Les kilomètres s’enchainent, les difficultés aussi. Plus d’un tiers du dénivelé sera parcouru sur cette première portion de 18 km, mais pas le plus cassant. Ce sera le dernier tronçon pointe des Poulains - Sauzon – Le Palais.

Arrivée à Locqmaria en 2h30 environ. Un peu rapide, mais nécessaire afin de franchir la première barrière à Bangor. Pause de 10 minutes pour re-remplir complètement la poche à eau, et refaire les deux bidons. Ravitaillement un peu juste en salé, mais les kiwis épluchés passent très bien. Manque quand même d’andouillette !!!

Repartir sur Bangor, seul car Guy fait maintenant sa course, à un rythme plus élevé que le mien. Je commence à souffrir, et les 8 km avant Bangor seront très difficile. Je passe la barrière horaire. Refaire les niveaux d’eau, et repos de 10 minutes.

Je repars, les cuisses dures, j’ai du mal à courir sur le plat. Et ce sera ainsi jusqu’à Domois, où là je pense abandonner. Le trail long est une grande aventure, il peut se passer pleins d’évènements.

J’arrive à Port Coton, je ne vois toujours pas de bénévoles. Je me suis fait passé par la doyenne de l’épreuve, Pierrette, 75 ans, qui trottine sûrement. Le moral commence à baisser.

J’avance péniblement jusqu’à Bedex, un peu à l’intérieur des terres. Et là, discussion avec un couple qui propose un ravito sauvage en eau et Breizh Cola. La forme reviens, et je repars en direction de l’Apothiciarerie. La plage de Donnant est toujours aussi belle à traverser.

La forme revient petit à petit. Alimentation régulière depuis le début, alternance d’eau gazeuse et de bosson antioxydante. Je double un coureur qui pense que nous n’arriverons pas à temps pour cette barrière horaire.

Je me remets donc à courir, lentement, puis plus rapidement. Et j’atteins la tente bleue à 16h54 pour une limite fixée à 17h00. 10 heures de course dans les jambes, et je suis toujours en lice. Je repars immédiatement en direction de Sauzon, mais là, les douleurs aux cuisses reviennent …

Je passe Vieux-Château en me posant de réelles questions sur mes chances de finir. Puis au niveau de Petit Donnant, j’entends des pas derrière moi qui me colleront jusqu’à la poite des Poulains. C’est Jeff, le serre-file, qui m’a rattrapé et qui débalise. Je suis donc le dernier.

Passé le fort de Sarah Bernhard, c’est fini. Il est à mon niveau, nous discutons un peu, et je « rends mon dossard » sur le parking du phare des Poulains.

Sans regret. Il est 18h15, il me faut être à 19h00 à Sauzon, et j’apprendrait plus tard que Guy et Jacky ont mis juste un peu plus d’une heure pour y arriver . Bien plus frais que moi.

Retour à Le Palis dans la camionnette d’Yvon, un Belle-Ilois de souche. Discussion sur la vie sur l’ile, la situation économique, la pêche … des relations humaines en fait.

Retour à l’hôtel, puis j’attends mes deux Poitevins qui finirons en un peu plus de 12 heures et 15 minutes environ. Fatigués, dont une très belle chute pour Jacky, épaule gauche très endolorie.

320 classés et 59 abandons. 60 interventions secouriste et trois déshydratés sous perfusion. Un trail dur qui se mérite, et surtout qui demande une très grosse préparation.

Bière(s), moules frites et muscadet nous permettrons de finir la soirée tous ensmeble au Poisson Rouge, en compagnie des autres coureurs. Ambiance très festive.

Discussion avec Christophe Malardé et les autres. La nuit s’avance, nous commençons à rêver ensemble d’autres projets, comme un Tro-Breihz en relais, un trail urbain à Belle-Ile … Il y aura une suite, c’est sûr. Bretagne, terre de trail, c’est confirmé.

Pour ma part, une grande satisfaction d’être aller aussi loin sans entrainement. Je me ré-inscris dans deux en espérant être à nouveau tiré au sort. Et finir !!!

Et je n’ai pas pris la place de quelqu’un d'autre. En fait, il restait 20 dossards sur la table au moment du départ.


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